Romancier, réactionnaire et parfois plouc de service



La semaine dernière, je baguenaudais assez voluptueusement entre La Valette, Amalfi, Florence et Portofino à l’enseigne de Valeurs actuelles. En effet, une croisière avait rameuté des aficionados de notre hebdo autour de François d’Orcival, Éric Branca et Sophie de Menthon. J’étais le provincial de service. Latinité ensoleillée, vins italiens capiteux, Mare nostrum d’humeur paisible : rien de tel pour bercer un songe de “fine amor” sous les étoiles.
Les passagers étaient de bonne compagnie. Tous “de droite”, au sens large du terme, et en gros représentatifs d’une classe moyenne plutôt à l’abri du besoin. Aussi m’attendais- je à des considérations à tonalité économique sur les abus de la fiscalité et de l’assistanat, les rigidités de notre droit du travail, les gabegies de notre bureaucratie. Du tout.
Certes, tous convenaient qu’une cure de libéralisme ne serait pas inopportune, mais j’ai été surpris — et ravi — de constater que leur souci se polarise prioritairement sur les valeurs et l’identité. Les vraies valeurs, héritées de la sagesse grecque, du message évangélique, et irriguées par l’esprit de chevalerie, pas les “républicaines”. La vraie identité de la France, pas ses scories ressassées en langue de bois (“citoyenneté”, “vivre-en semble”, “esprit du 11 janvier”, etc.) par le bruitage médiatique. 
[Des racines et des ailes chez Valeurs Actuelles]

Denis Tillinac est quelqu'un de sympathique quand il est invité sur un plateau de télévision, il n'est pas grande gueule, il est poli, il parle bien et semble toujours vouloir ne pas déranger les autres invités avec ses idées qui ne plaisent pas forcément à tout le monde. Avec sa nostalgie de la France qui était mieux avant (avant quoi au fait d'ailleurs?) il me rappelle certains moments de mon enfance quand j'allais dans mon Nord d'origine avec mes parents pour voir la famille, pendant les repas très animés c'était toujours mieux avant et je me demandais toujours qui avait pu voter pour ce président tellement nul qu'il ne pensait qu'à augmenter un machin que tout le monde appelait impôt. 
De cette époque je n'en garde que des bons souvenirs, la famille était plus souvent réuni que maintenant et j'étais content de voir les tontons, tatas, parrains, marraines et autres cousins. Du moins j'avais l'impression que la famille était plus souvent réuni mais les choses ont évolué depuis l'époque de mon enfance et la famille n'est plus la même, c'est nous (ma femme et moi) qui rendons visite à nos parents et c'est nos enfants qui ont pris notre place et qui vont voir les grands-parents. Je ne doute pas qu'ils regretteront cette époque aussi. C'est le problème du c'était mieux avant, on ne se souvient et on ne regrette que des bons moments passés où tout nous paraissait bien et on voudrait les revivre avec notre  mode de vie d'aujourd'hui en occultant les pires moments.
Un peu comme quand je me souviens de ma première voiture, c'était chouette, pas chère et facile à bricoler mais je n'en voudrais plus maintenant, elle n'avait pas de direction assistée, pas de vitres électriques et pas de climatisation. 
Denis Tillinac regrette l'évolution de la société, il regrette la baisse du nombre d'habitants de son village qui se sont tous exilés sur Paris, il regrette sans doute la disparation des petits commerces autour de la place de l'église, de la tannerie premier employeur du canton et des PTT mais il passe des bons moments en bonne compagnie avec ses amis ultra-libéraux qui, eux, se foutent de tout ça. La mondialisation et le capitalisme 2.0 rapporte plus et c'est mieux pour être à l'abri du besoin, même pour une classe moyenne martyrisée à 5000 euros par mois selon les standards Copé toujours en vigueur (dixit un autre romancier mais de gauche).
C'est vrai qu'il doit être intéressant de discuter abus de la fiscalité, assistanat, rigidités de notre droit du travail et des gabegies de notre bureaucratie avec des amis haut de gamme pendant une croisière people pour regretter la disparation de la fermeture du troquet qui était à coté du bureau de poste disparu au nom de la rentabilité, c'était mieux avant. Non manque de bol, les amis ont été sympa avec lui, ils avaient envie de discuter valeurs et identité, les vrais, celles qui ont fait la grandeur de la France, de l'Algérie Française et des allocations familiales aux vrais français de souche, pas celles d'aujourd'hui, vendues de force par cette diktature de gôche médiatique et bruyante. Du bruit et du show-biz, il n'en est pas question chez le modeste candidat Nicolas Sarkozy, seul représentant à peu près politiquement correcte chez les réactionnaires encore intimidés par un vote frontiste, des vrais valeurs, travail-famille-patrie, exprimés en ce moment dans tous les villages de France à moins de deux heures de jet.

Je ne connais pas la suite de cette discussion entre gens biens mais imaginer un peu Denis Tillinac, le plouc de service, disserter avec passion des valeurs et de l'identité française avec une Sophie de Menthon plutôt spécialiste dans les valeurs indexées du CAC40 et les profits de multi-nationales délocalisées chez les rastaquouères à bas coût me fait penser à un célèbre dîner de con.

Commentaires

  1. "avec ses amis ultra-libéraux qui, eux, se foutent de tout ça."

    -Comment savez vous que ses amis sont "ultra-libéraux" et pas "libéraux" tout court ?

    Je vais me permettre un petit commentaire (moi le libéral) : si dans le petit village auvergnat de ma famille paternel, le boucher et le boulanger ont disparu, ce n'est pas à cause de "l'ultra-libéralisme" (terme inventé par des gens qui ne savent déjà pas ce qu'est le libéralisme) mais à cause des charges et des impôts qui, compte tenu du chiffre d'affaire relativement de ces commerces (que 130 habitants et pas tous jeunes et loin d'être riches, le cantal étant un des départements les plus pauvres de France...), ne laissaient pas assez aux familles de ces commerçants pour vivre.

    Du coup ils sont aller s'installer à Aurillac.

    "l'ultra-libéralisme" pour le degôche, c'est comme l'immigré pour le frontiste, il n'y a aucune preuve mais c'est forcément lui la cause de tous les maux...

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    1. Marrant, je n'ai jamais entendu un épicier se plaindre des impôts mais plutôt du gros supermarché qui s'implantait en périphérie ou dans la plus grosse ville voisine. Le bouseux aime bien faire ses courses comme un "parisien", il en avait rien à foutre de son épicerie.
      Je me souviens d'un petit village à coté de Gourdon dans le Lot où le maire tentait de faire revivre une épicerie pour donner un peu de vie au village, c'est les touristes comme moi qui étaient intéressés, le pauvre paysan qui me louait un de ses gîtes préférait prendre sa jolie voiture pour aller chercher son pain à Gourdon.

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    2. Vous n'avez probablement jamais mis les pieds dans le Cantal...

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    3. Non, juste de passage mais je le mange.

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    4. Dans ce département (le plus pauvre de France, avec la Creuse) les "vieux" ont rarement une voiture (ou alors ils sont trop vieux pour la conduire) donc le supermarché qui est a 15Km ils s'en cognent. ce qu'ils veulent c'est un commerce de proximité.

      Commerce de proximité qui n'existe plus parce que c'est tout simplement trop compliqué de monter ce genre d'affaire en France dans des coins un peu reculés.

      Rien à voir avec "l'ultra-libéralisme"...

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    5. Vous racontez n'importe quoi, mon pauvre... Les vieux ont tous leurs bagnole, seuls quelques gitans ou quelques alcolos ont des voitures sans permis. Vous devriez aller faire un tour à la campagne pour voir avant d'écrire de telles bêtises. De plus la grande surface du coin est devenue comme la place du village, l'endroit où l'on cause.

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    6. Pauvre type... Ma famille habite le Cantal et j'y ai une maison... Allez faire un tour à la montagne avant de parler.

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    7. Et toi? T'habites p'us l'Cantal?
      (Enfin réussi à la placer)

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    8. Mais c'est plus facile à dire qu'à écrire ces conneries.

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    9. Justement. C'est ce qui fait le charme des plaisanteries orales : les faire par écrit.

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  2. Réponses
    1. J'en ai vidé une Chimay de 75cl.

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    2. Bleue ou blanche la Chimay ??

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    3. Ah oui tiens, je ne sais plus c'est ma femme qui me l'a acheté pour me faire plaisir mais je ne suis pas un spécialiste en Chimay et c'était de la brune. J'aurais préféré une Duvel.

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